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MANDARINE GESTION : Les actions françaises souffrent toujours (mais plus du même mal …)
27/6/2025

Il y a à peu près un an Emmanuel Macron décidait, à l’issue des élections européennes, de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer en urgence des élections législatives anticipées. La période d’instabilité politique qui s’ouvrait alors allait entraîner une nette sous-performance des actions françaises par rapport aux autres grandes places financières de la zone Euro. La censure du gouvernement Barnier et l’absence de vote du budget allaient marquer à leur tour la fin d’année 2024. Durant le second semestre, de nombreux articles ont d’ailleurs été consacrés à ce désamour pour les actions françaises. Mais depuis, presque plus rien. Sur le plan politique, le gouvernement Bayrou a depuis été mis en place et semble jouir d’un peu plus de stabilité ; le budget de la France a, quant à lui, été finalement adopté.
Ce calme politique relatif a-t-il donné lieu à une accalmie équivalente à la bourse de Paris ?
Force est de constater que non. En effet, les actions françaises - même si leur performance absolue est positive cette année - continuent de sous-performer nettement les autres marchés de la zone Euro :

Ce mouvement peut sembler paradoxal dans la mesure où, dans le même temps, l’écart de taux entre la France et l’Allemagne (le fameux « spread » tant scruté par les investisseurs obligataires comme gage de la défiance vis-à-vis de la qualité d’emprunteur de l’Etat français) n’a pas connu la même évolution, restant relativement stable autour de 70/80 points de base.

Comment expliquer cette différence d’appréciation entre les investisseurs en actions et en obligations ?
En réalité, il nous semble que les vues convergent probablement toujours et que l’on se trompe peut-être de thermomètre pour mesurer l’appétit des emprunteurs vis-à-vis de la dette française. Si le « spread » varie peu, c’est peut-être plus dû à l’évolution de la perception des investisseurs de la dette allemande que de la dette française. En effet, l’Allemagne a pris un tournant relativement radical en début d’année en lançant un grand plan d’investissement dans les infrastructures et l’armement financé essentiellement par l’accroissement de sa dette publique. L’Allemagne reste donc le bon élève de l’Europe en matière de finance publique, mais la remise en cause de son orthodoxie passée conduit à une légère remontée de la perception du risque sur le pays, ou du moins, à la demande d’une meilleure rémunération de ce risque par les investisseurs.
Cette thèse se vérifie lorsque l’on compare l’évolution du spread franco-allemand à l’évolution des spreads des autres pays de la zone Euro - en particulier ceux dont on doute généralement de la rigueur budgétaire - par rapport à l’Allemagne.

Ainsi, tous les pays d’Europe du sud, dont la dette publique est très importante et a par le passé « inquiété » les investisseurs étrangers, ont vu leur différentiel de taux par rapport à l’Allemagne se réduire ces derniers mois, alors que cela n’est pas le cas pour la France.
Le doute semble donc bien subsister, pour les investisseurs obligataires, quant à la capacité de la France à mettre réellement de l’ordre dans ses finances publiques. Mais quelle transposition sur les marchés actions ?
Au début de l’été 2024, puis de nouveau en fin d’année dernière, ce sont essentiellement les sociétés « domestiques » - c’est-à-dire dont l’activité et les résultats sont majoritairement réalisés en France - qui ont subi les foudres des investisseurs. Leur crainte étant notamment que l’Etat français, à la recherche de ressources budgétaires additionnelles, allait imposer des impôts et taxes supplémentaires sur ces sociétés … et c’est exactement ce qui s’est passé.
En revanche, la sous-performance de 2025 n’a absolument rien à voir avec cela. En effet, les valeurs domestiques françaises affichent généralement de très fortes performances et font nettement mieux que les grands indices nationaux.

La sous-performance de 2025 n’a donc rien à voir avec celle de la seconde partie de 2024. Attention également à une lecture trop optimiste des tendances récentes sur les valeurs « domestiques ». En effet, ces paniers sont composés d’un petit nombre de valeurs et présentent de fortes concentrations sectorielles notamment parmi les valeurs bancaires (Société Générale, BNP Paribas et Crédit Agricole) et le secteur de la construction et des infrastructures (Vinci, Bouygues, Eiffage, Spie). Ces deux secteurs ont affiché de très fortes performances récentes qui ont peu à voir avec la situation de la France ; pour la construction, en particulier, c’est même plutôt l’exposition à l’Allemagne et son plan d’investissement dans les infrastructures qui explique l’embellie récente, ce qui est assez paradoxal pour des sociétés dites « domestiques ».
Ainsi, la faible performance de l’année vient cette fois de la configuration particulière de la cote française et de ses grandes valeurs. En effet, les géants du luxe font au mieux du surplace (Hermès) ou baissent franchement (LVMH, Kering), le champion de l’industrie française Schneider souffre d’un contexte moins porteur pour les exportateurs, Sanofi d’un risque politique sur le prix des médicaments aux Etats-Unis et toutes ces entreprises pâtissent également d’effets devises défavorables en raison de la baisse récente du dollar. Par ailleurs, la cote française est nettement moins exposée aux valeurs financières que l’Espagne et l’Italie où ces secteurs représentent entre 35 et 45% des grands indices de marché. La bourse allemande bénéficie quant à elle de l’impact à venir du grand plan d’investissement décidé en début d’année et de la performance spectaculaire de son champion de la défense : Rheinmetall.
Cette sous-performance se traduit-elle par une sous-valorisation ?
Les impôts et taxes additionnels de 2024 ou les effets devises de 2025 ne peuvent à eux seuls justifier l’intégralité de la sous-performance française et on note bien un phénomène de « derating » relatif pour les actions françaises :

On constate que la prime de valorisation dont jouissait le marché français s’est considérablement contractée ces derniers mois et qu’il traite désormais sur des niveaux très proches de ceux du reste de la zone Euro. Cependant si on élargit la fenêtre temporelle, on constate que c’est justement cette prime qui était l’anomalie et que sur longue période France et zone Euro affichent des multiples de valorisation très proches.

Les actions françaises ne sont donc pas particulièrement bon marché malgré leur phase de sous-performance récente. Du seul point de vue de la valorisation, le grand marché actions d’Europe le plus décoté par rapport à ses valorisations historiques est le Royaume-Uni, ce n’est d’ailleurs pas un hasard si c’est là que l’on observe le plus d’opérations de fusions-acquisitions par des industriels ou des fonds d’investissement ces derniers mois (Deliveroo et Spectris étant les dernières opérations majeures annoncées).
Si l’on s’intéresse à présent au momentum bénéficiaire c’est plutôt l’Allemagne (grâce à son plan d’investissement) et les Pays-Bas (dont la cote est riche en sociétés technologiques) qui auront les faveurs des investisseurs avec des croissances bénéficiaires attendues supérieures à celle des sociétés françaises en 2026.
Heureusement investir en actions n’est pas simplement acheter un indice et la cote française est l’une des plus riches et profondes avec plus de 800 sociétés cotées. La bourse de Paris reste donc un terrain de choix pour les « stock-pickers » qu’ils soient Value, Croissance, Momentum … ou agnostiques aux styles de gestion.
Achevé de rédiger le 24 juin 2025